« Une zone humide est un lieu caractérisé par des sols gorgés d’eau plus ou moins longtemps, et de faible profondeur, soit 50 cm en moyenne sous nos pieds » Damien Avril est une encyclopédie en mouvement. Il est aussi et surtout botaniste, chargé de mission flore, habitat naturel et semi-naturel, géomatique à la SEPANT, association d’études, d’aménagement et de protection de la nature en Touraine. Au moment où nous le rencontrons, il a déjà bouclé une étude des zones humides du bassin de l’Esves pour le compte de la Communauté de Communes. 78% des zones humides ont disparu Il existe plusieurs types d’habitats humides : cariçaies et roselières, gazon amphibie, boisements alluviaux, chênaie à Molinie, tourbières et bas-marais ainsi que des prairies humides. « Ces milieux ont une fonction essentielle de protection de la qualité de l’eau, de gestion de l’hydrologie en période de crue et d’étiage, de stockage de carbone. Ces zones accueillent également une biodiversité importante et même des espèces menacées. »
Pourtant, leur surface a constamment diminué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en raison de l’extension urbaine, du remembrement et des mutations des pratiques agricoles. L’Hexagone a perdu 65% de ses zones humides depuis 1950, un chiffre qui s’élève à 78% dans la vallée de l’Esves.
Autrefois, la moindre dépression de terrain était humide et laissée à l’état de prairies, car non cultivable. Avec la régression de l’élevage, on a commencé à les drainer pour les convertir en cultures à plus haute valeur ajoutée, comme celle du maïs. Or les zones humides jouent un rôle majeur de limitation des crues. En période de fortes pluies, les zones humides se gorgent d’eau et limitent l’ampleur des pics de crue. En saison sèche, elles la restituent progressivement aux rivières à l’aval. « Nous parlons là de gros stocks d’eau de qualité qui s’infiltrent mieux et rechargent bien les nappes phréatiques » précise Damien Avril.
Stockage du carbone
Le 3e volet du récent rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne le levier majeur que représentent les zones humides pour limiter l’ampleur du changement climatique. « Une zone humide stocke autant de carbone que les arbres d’une forêt, voire davantage, et à long terme. » Leur fonction d’épuration des nitrates est tout aussi importante pour améliorer la qualité de nos cours d’eau. « La faible teneur en oxygène des zones humides fait que certaines bactéries utilisent l’oxygène des nitrates pour respirer. Cette action réduit le niveau de nitrate de 50%. »
Pour l’étude, Damien Avril a réalisé un travail de photo-interprétation à partir de photos aériennes des années 50, de cartes de Cassini et de cartes d’Etat Major. Des inventaires de terrain permettent ensuite de délimiter et de caractériser les zones humides en s’appuyant aussi sur des relevés phytosociologiques pour identifier les plantes présentes. « Les investigations de terrain ont montré que les zones humides restantes sont dans un état de conservation particulièrement dégradé notamment en raison de l’apport excessif de substances nutritives et de l’abandon des pratiques pastorales de pâture et de fauche ».
Rôle crucial de l’élevage extensif
Loches Sud Touraine a ciblé les zones humides non cultivées situées en bordure de cours d’eau. « On ne retrouvera jamais la biodiversité d’il y a 40 ans quand c’est trop dégradé mais des mesures de gestion seront prises pour accroître la capacité d’épuration de ces zones humides et favoriser l’accueil de la biodiversité » explique Guillaume Guérineau, animateur eau & environnement à la Communauté de Communes. Et après la protection et la restauration, que faire ? « Clairement, le maintien de l’élevage d’herbivores, surtout ovins et bovins, est crucial », conclut Damien Avril.