Automne 2021
 – N° 1
 – Loches, France
Les enfants du voyage sur le chemin de l’école
Sur le territoire communautaire, la scolarisation des enfants du voyage est le fruit d’un travail partenarial visant à favoriser l’autonomie de cette population et offrir de meilleures conditions de vie pour les générations futures. C’est aussi et surtout un enjeu crucial pour améliorer le vivre ensemble entre sédentaires et voyageurs.

Les 10 et 17 février 2021, Maryse Garnier, Vice-Présidente de Loches Sud Touraine en charge des gens du voyage, et Jean-Éric Rouyer, inspecteur d’académie, convoquaient 20 familles de voyageurs afin de faire le point sur la scolarisation de leurs enfants. « Un tiers seulement des familles recensées sur notre territoire scolarisent régulièrement leurs enfants, précise Maryse Garnier. Notre rôle consiste à rappeler régulièrement leurs obligations aux parents. Nous travaillons conjointement avec l’Education nationale et le Centre Intercommunal d’Action Sociale afin de rappeler cette obligation, souligne l’élue. C’est un travail de longue haleine. » Au bout de 3,5 journées d’absence, une médiation s’établit, suivie d’un courrier de rappel, et d’une convocation avec l’inspecteur d’académie.

« Notre rôle consiste à rappeler régulièrement leurs obligations aux parents, c’est un travail de longue haleine » Maryse Garnier, Vice-Présidente Loches Sud Touraine, Gens du voyage

Jean-Éric Rouyer reconnait que « les résultats pédagogiques ne sont pas à la hauteur de nos espérances, en dépit des moyens conséquents déployés. » Département pilote au sein de l’académie, l’Indre-et-Loire bénéficie de six postes d’enseignants dédiés à cette mission. « Pour que l’enfant sache lire à l’entrée au collège, l’élève doit arriver à l’heure à l’école et fréquenter assidument la classe », conclut l’inspecteur. Pas facile lorsque la recherche d’un logement est parfois plus importante que l’école pour des familles fragiles souvent en situation de grande précarité sociale. Et même si l’importance de l’éducation fait son chemin dans les esprits, notamment auprès des 16/18 ans ayant envie de sortir du groupe familial, beaucoup considèrent encore qu’il est possible de se débrouiller sans elle.

Confiance à gagner

Ajoutons que depuis 2020, la crise sanitaire a eu un impact sans précédent sur la fréquentation de l’école. La peur du virus a provoqué un net recul des inscriptions et de l’assiduité pourtant en progression d’après le comité de suivi de la scolarisation créé par Loches Sud Touraine en 2018. Il est composé de tous les acteurs concernés par la politique des gens du voyage : élus locaux, services de l’État et du département, services de l’Éducation Nationale, des associations comme Tsigane Habitat… « À travers ce Comité, nous entretenons un dialogue permanent avec les familles afin d’établir la confiance entre elles et les institutions explique Tristan Bernard, animateur de la politique déployée en direction des gens du voyage par la Communauté de Communes*. Un échange quotidien mené avec des familles 100 % lochoises : « certaines sont présentes ici depuis le XVIe siècle ! »

Cette confiance est également le fruit du travail de terrain mené par les représentantes de l’association Tsigane Habitat, et particulièrement par Elsa Champigny, conseillère en économie sociale et familiale. « C’est notre rôle de faire en sorte que tous les partenaires se mobilisent afin d’inciter les familles à scolariser leurs enfants, commente cette dernière. Dans le cadre de l’accompagnement des allocataires du RSA, nous insistons pour que les parents s’engagent à l’assiduité scolaire pour leurs enfants. Et c’est plus facile quand ceux-ci sont sédentaires ; d’où l’importance pour beaucoup d’obtenir un terrain ou une maison. » Elsa Champigny reconnait qu’une année scolaire entière est assez rare, « car ces familles sont attachées à la culture du voyage. »

Donner une bonne image de l’école

Un constat qui ne décourage absolument pas Aurore Protin, enseignante itinérante, rattachée à l’école de Perrusson. « Cet établissement compte le plus grand nombre d’enfants du voyage du Sud Touraine, soit 40 sur 163 inscrits, souligne Dominique Gaillard, la directrice. Sans l’important travail de terrain et de contact réalisé par Aurore et son prédécesseur, la situation serait différente. » Aurore se rend dans les écoles du Sud Touraine, en soutien aux enfants et aux enseignants.
« Comme les classes d’âge correspondent rarement à leur niveau scolaire, je travaille en petits groupes en lecture, écriture ou mathématiques. » Elle se rend aussi sur les aires d’accueil – après un temps d’approche initialement facilité par Elsa Champigny – pour « maintenir le lien, inciter les parents à inscrire leurs enfants, et ce dès la maternelle. ». L’an passé, elle aura suivi plus de 70 enfants sur Perrusson et Descartes, ainsi que dans le cadre de classes passerelles de Genillé, Chambourg-sur-Indre, Abilly, Ligueil et Varennes. « Les résultats sont progressifs, mais il y a aussi plein d’aspects positifs et j’essaie de donner une bonne image de l’école. »

* Loches Sud Touraine aménage, entretient et gère les aires d’accueil des gens du voyage soit 5 aires principales à Varennes, Ligueil, Descartes, Perrusson et Tauxigny, 10 aires de petit passage, deux terrains familiaux locatifs à Loches, sans oublier une aire de stationnement à Saint-Hippolyte.


L’enjeu de la sédentarisation

Sans logement fixe et donc pas intégrés socialement, les enfants des gens du voyage ont d’autant plus de difficultés à fréquenter assidument l’école. La sédentarisation des familles devient dès lors un préalable indispensable. À Loches, deux terrains familiaux locatifs viabilisés et construits par la Communauté de Communes sont occupés par des familles des gens du voyage qui ont souhaité se stabiliser. Chaque terrain dispose d’une maison composée d’une pièce à vivre de 30 m² environ, de sanitaires et de trois places de caravanes. Une initiative qui a vu le jour dans le cadre d’une mission de Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) sous la houlette de l’association Tsigane Habitat. 21 places caravanes en terrains familiaux locatifs sont en projet sur notre territoire. « Aujourd’hui, la plupart des familles sont à la recherche d’un terrain. Cette formule constitue le premier pas vers la sédentarisation » précise Claire Baudrit, responsable du service social chez Tsigane habitat.


Apprendre l’autonomie grâce au web

Comment éviter l’exclusion de la société, et entre autres de l’accès aux droits sociaux fondamentaux, quand les démarches administratives se font de plus en plus par Internet ? Les France Services de Loches Sud Touraine répondent à cette problématique en proposant des ateliers numériques tous publics et gratuits dans leurs 5 antennes (Loches, Descartes, Ligueil, Preuilly-sur-Claise, Le Grand-Pressigny). À Loches, une expérimentation a débuté cette année à l’attention des gens du voyage particulièrement concernés par l’illettrisme numérique. « Nous avons travaillé avec Tsigane Habitat dès la conception du projet afin de nous faire connaître des gens du voyage, établir une relation de confiance et inviter les intéressés à notre atelier mensuel, soit une heure pour quatre personnes », explique Sandrine Baerenzung, responsable des France Services.

« Nos interlocuteurs sont souvent timides, mais très intéressés, ajoute Marion, animatrice. Ils sont heureux d’apprendre à se servir d’Internet, d’utiliser une boîte mail, de devenir autonomes dans leurs démarches administratives. » Pour Christine Beffara, Vice-Présidente en charge des France Services : « le nécessaire vivre-ensemble nous conduit à sensibiliser ces familles des gens du voyage à une culture qu’elles n’ont pas, le numérique et l’école sont des moyens d’y parvenir et de les rendre plus autonomes. »


La scolarisation des gens du voyage en vidéo

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