Été
 – N° 3
 – Loches, France
Être jeune en Sud Touraine
Jeanne Michel, 24 ans et Hugo Dauphin, 23 ans, tous deux originaires du Sud Touraine nous livrent leur témoignage sur leurs parcours respectifs, leur adolescence et la vie étudiante. Être jeune en territoire rural, quels avantages en tirer ou à l’inverse, quels sont les inconvénients ? Vivre dans des petites communes présente-t-il une richesse que les grandes métropole n’offrent pas ? Ils nous répondent sans détour…

Quel a été votre parcours de vie jusqu’à maintenant ?


Hugo : J’ai grandi à Verneuil-sur-Indre, à l’école, je suis allé à Verneuil, Betz-le-Château et Saint-Senoch, ensuite à Perrusson. Au collège, je suis allé aux collèges Georges Besse et Saint-Denis à Loches, et au lycée Thérèse Planiol. Après mon bac en gestion et administration, j’ai directement intégré la vie professionnelle. Après j’ai travaillé dans différents
magasins ou entreprises, je faisais de l’intérim en Sud Touraine en tant qu’employé polyvalent. Et là je viens de reprendre une formation de commercial à Tours. Quand j’ai quitté le lycée, je ne voulais pas continuer les études, ça n’était pas fait pour moi, mais au fur et à mesure de mes expériences, j’ai réalisé qu’avec juste un bac on n’a pas grand-chose ! Avec ma conseillère à la Mission Locale, on a trouvé une formation qui me correspond de négociateur technico-commercial qui a commencé mi-avril et se terminera fin novembre. Je continue d’habiter à Verneuil.


Jeanne : J’habite à Genillé depuis mes 8 ans. J’ai fait la fin de mon primaire à Saint-Martin à Loches, ensuite le collège à Montrésor et le lycée à Thérèse Planiol. J’ai toujours fait en plus beaucoup des options proposées et je ne me suis jamais sentie limitée : par exemple à Montrésor, il y avait une option danse. Ensuite j’ai commencé mes études de médecine à Tours et je suis en 6e année. J’ai le projet de partir de Tours pour faire mon internat, mais avec quand même dans l’idée de revenir un jour dans la région pour travailler.


Et vous habitez à Tours pendant vos études ?


Jeanne : Oui parce qu’on a de telles contraintes horaires dans nos emplois du temps que ça n’est pas envisageable de faire la route tous les jours.

Quels souvenirs gardez-vous de votre adolescence sur un territoire rural ?


Jeanne : Pendant le lycée, j’ai choisi d’être interne à Loches. Même en étant interne, il y a des inconvénients quand on vit à la campagne, par exemple pour aller voir ses amis, aller en soirées, on peut moins spontanément les organiser parce qu’on dépend beaucoup de nos parents, et ça implique aussi de pouvoir passer son permis tôt. À l’inverse, il y avait des avantages à vivre proche de la nature, j’ai fait beaucoup d’équitation, de courses d’orientation au collège et ça n’aurait pas été possible si j’avais vécu loin de la forêt…


Hugo : Moi aussi j’ai grandi à la campagne, mais je n’étais pas très porté sur le côté festif. Même aujourd’hui, je n’ai pas envie de vivre en ville, je me sens mieux à la campagne. Mais c’est vrai que dès que l’on voulait prévoir une activité avec des amis, il fallait demander à nos parents de nous emmener car les horaires de bus ne correspondaient pas. J’ai mis du temps à passer mon permis et c’est vrai que ça m’a limité longtemps pour évoluer.


Quels étaient les avantages de cette vie à la campagne ?


Hugo : La tranquillité ! Mais c’est vrai aussi que j’avais envie d’avoir des amis et parfois je me sentais seul. Le moral faisait quelquefois des montagnes russes.

Jeanne : Cette solitude parfois imposée, je la trouve aussi apaisante, elle aide à se ressourcer. Je suis une grande anxieuse, et je me souviens que pour les révisions du bac, je pouvais aller marcher et j’avais un jardin qui me permettait de réviser dehors. Là, j’ai mon concours dans un mois, et je suis rentrée pour réviser car il y a cette tranquillité, des espaces très ouverts et c’est vraiment propice à la réflexion. On ne se rend pas forcément compte de cette chance quand on est au lycée !


Étiez-vous investis dans la vie locale ? Y avait-il des propositions pour les jeunes qui répondaient à vos envies ?


Hugo : Moi j’avoue que je ne me suis pas intéressé à la vie associative même si j’ai pratiqué des sports à Loches, du foot, du rugby, du judo. Maintenant, je suis bénévole pour les 20 km de Tours.


Jeanne : J’ai fait de la flûte traversière à Genillé grâce à l’école de musique de Montrésor qui se déplaçait. J’ai aussi fait partie de l’Harmonie de Genillé et j’ai adoré car c’est intergénérationnel, je retrouve encore des amis quand je rentre. J’ai fait de la natation, de l’équitation, j’ai aussi beaucoup bénéficié des associations sportives du collège et du lycée grâce à l’UNSS.


Avez-vous fait des petits boulots ?


Hugo : Quand j’étais au lycée, j’ai travaillé l’été à la laiterie de Verneuil.


Jeanne : Avant d’avoir le permis, j’ai fait beaucoup de baby-sitting. En terminale, j’ai voulu passer mon BAFA, j’ai pu travailler ensuite dans les accueils de loisirs à Montrésor ou à Loches. C’était un emploi incroyable, j’ai fait ça trois années de suite. Mais pour travailler ici il faut quand même avoir son permis.


Hugo, comment as-tu entendu parler de la Mission Locale qui t’a aidé à construire ton nouveau projet professionnel ?


Hugo : Ma soeur m’avait parlé de la Mission Locale. J’ai fait des bilans avec ma conseillère, on a mis pas mal de choses en place. Au départ, je suis rentré dans le dispositif de la Garantie Jeune puis j’ai intégré un nouveau dispositif qui s’appelle le Contrat Engagement Jeune. J’ai fait deux stages qui m’ont permis de découvrir ce que je voulais faire. Je suis passionné d’automobile et je fais maintenant une formation de négociateur technico-commercial à La Riche. Je touche des allocations et je vais obtenir un titre professionnel à l’issue de la formation. La Mission Locale aide beaucoup les jeunes et il faut vraiment que cela se sache !

Jeanne, envisager des études de médecine à Tours n’a jamais été un frein ?


Jeanne : Quand on vit en Sud Touraine, on est seulement à 45 minutes de Tours. On est avantagé par rapport aux étudiants qui habitent à Chartres, Bourges… Moi je peux rentrer sur un coup de tête !


Comment vous logez-vous ?


Hugo : J’avais vu avec l’association Jeunesse et Habitat pour prendre un logement pendant ma formation à Tours. Mais financièrement, c’est plus avantageux de faire les allers-retours d’autant qu’une partie de mes cours se fait en distanciel. Je suis chez mes parents, j’aide pour les courses et je paie mon essence.


Jeanne : Mes parents m’aident financièrement pour l’appartement. J’avoue que c’est une chance qu’ils puissent le faire car avant d’être rémunéré il faut déjà avoir fait 6 ans d’études… On peut avoir accès au CROUS mais les listes d’attente sont énormes et en plus, je ne suis pas boursière.


Pensez-vous revenir vivre et travailler en Sud Touraine à l’issue de vos formations ?


Hugo : Je m’adapterai aux offres, mais ça me plairait de vivre à la campagne.


Jeanne : Il y a une désertification des médecins dans les campagnes, mais parfois quand on a fait dix ans d’études en ville on s’est habitué à une offre multiple très accessible. Mais ici aussi, il y a des animations culturelles, des festivals, donc je pense que c’est possible d’avoir une vie riche en Sud Touraine.


En conclusion, est-ce que des choses vous ont quand même manqué ici ?


Hugo : Ce qui m’a manqué, c’est plus de professionnels de santé dans le domaine de la prévention par exemple sur le harcèlement à l’école. J’ai subi du harcèlement, et je n’étais pas le seul dans ce cas. Si on en parlait dans le cadre de la vie scolaire, ça ne changeait rien. Il aurait fallu plus de prévention et de prises en charge.


Jeanne : L’accès à des soins en santé mentale est peut-être plus difficile à la campagne, car on est moins dans l’anonymat. Quand on est jeune, on a du mal parfois à avouer qu’on a besoin d’aide.

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