Changement climatique, sortie du glyphosate, coronavirus… Les agriculteurs en polyculture-élevage ont fort à faire pour résister aux multiples pressions environnementales, sociétales et médiatiques tout en s’évertuant à sauvegarder leur gagne-pain. Une seule solution : s’adapter notamment en faisant évoluer leurs pratiques culturales. « Nos prédécesseurs pouvaient prendre le temps d’une génération, précise Pierre Flaman. Il y a une quarantaine d’année, un agriculteur pouvait appliquer une recette universelle. Cela ne fonctionne plus. Aujourd’hui, tout est beaucoup plus rapide alors qu’il faut toujours un an pour faire du blé et trois pour une vache laitière… » C’est le président du Groupement de Développement Agricole (GDA) de Loches-Montrésor, une association d’agriculteurs accompagnée par la Chambre d’Agriculture, qui s’exprime ainsi par la voix de cet exploitant agricole installé à Genillé.
Projets collectifs
Comme environ 150 de ses collègues du bassin versant de l’Indrois (20 000 ha), Pierre Flaman adhère à cette association d’agriculteurs qui rémunère un conseiller, Franck Paineau, chargé de les accompagner dans leurs évolutions. « Un exploitant c’est d’abord un individu qui s’interroge sur sa pratique et qui a besoin d’être conseillé, formé et soutenu pour apprendre à faire autrement ». Dès lors, le GDA bénéficie d’une vraie confiance car il a permis de mener des projets notables au fil du temps. « Avec le GDA, on réalise des projets collectifs au sein de groupes de travail thématiques : La marque Saveurs Lochoises est née de notre GDA, nous travaillons aussi sur l’utilisation en construction de la paille et de la moelle de tournesol avec la Communauté de Communes… »
Réduire les produits phytosanitaires
Aujourd’hui, s’adapter, c’est d’abord faire évoluer les systèmes de cultures pour réduire la dépendance des agriculteurs aux produits phytosanitaires. En France, 5 cultures représentent 80 % des grandes cultures, qui sont le reflet de leur rentabilité, de la disponibilité des intrants et de la productivité des exploitations. Mais cette spécialisation des cultures abaisse la productivité et favorise l’apparition des résistances, avec des enjeux environnementaux, économiques et techniques. « Voilà pourquoi le GDA s’emploie à rechercher des variétés plus résistantes aux maladies ou aux aléas climatiques pour moins traiter. Il cherche aussi à piéger les nitrates par l’implantation d’un couvert végétal en automne, à installer des cuvettes de comptage des insectes nuisibles du colza pour raisonner les traitements… L’agronomie est toujours au cœur de nos préoccupations » explique Franck Paineau.
De nouvelles cultures font ainsi leur apparition dans l’Indrois comme le millet, le sorgho, le sarrasin, le pois, la féverole, pour diversifier les rotations : « la diversification des cultures sur une parcelle améliore la fertilité des sols à long terme, elle minimise les maladies et mauvaises herbes sur les cultures majoritaires de blé, de colza, d’orge… » précise Franck Paineau. Reste que ces cultures de printemps sont aussi fortement impactées par le manque de pluviométrie et les excès de chaleur et qu’elles seront « encore rarement rentables cette année. »
Préserver la qualité de l’eau
Ces évolutions culturales s’inscrivent dans un cadre de travail plus global de gestion et de protection de la ressource en eau entamé il y a plusieurs décennies. Dans l’Indrois, les fermes sont implantées sur des terres difficiles (les gâtines) que les cultivateurs n’ont eu de cesse d’améliorer.
Dans les années 70/80, ces sols fragiles, acides et gorgés d’eau étaient compliqués à cultiver. « Le GDA a contribué à recréer leur structure par un apport de calcaire, favorisant un meilleur enracinement des cultures, en organisant un achat groupé complété par un drainage des terres », précise Franck Paineau. À la fin des années 90, cette intervention s’est accompagnée d’un travail sur la qualité de l’eau extraite de ces terres hydromorphes. Ce drainage a alors induit la création de « zones tampon » telles que des haies, des surfaces enherbées en bordure de champs ou des petites lagunes pour éviter l’écoulement des molécules chimiques issues des traitements vers les cours d’eau.
Parallèlement, pour éviter les pompages dans les cours d’eau, les éleveurs laitiers du GDA ont impulsé la création de quelques retenues collinaires (20 à 30 000 m3). Et ce pour alimenter leurs cultures durant l’été et produire ainsi un fourrage local et de qualité. « Bien insérées dans le paysage, elles n’impactent aucune zone humide ni nappe souterraine et ne barrent aucun cours d’eau. Elles alimentent également l’Indrois durant la période d’étiage, non sans avoir retenu les micropolluants majoritairement recyclés. Aujourd’hui, le territoire n’a pas à rougir de la qualité de son eau » estime Franck Paineau. Une évolution attestée par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne et la Communauté de Communes qui travaillent aux côtés des agriculteurs pour améliorer de manière continue la qualité de la ressource en eau.
Les efforts du GDA de Loches-Montrésor pour réduire la dépendance des agriculteurs aux pesticides sont le fruit d’un travail partenarial local entre le GDA, le service Gestion des eaux et milieux aquatiques de la Communauté de Communes mais aussi la Chambre d’Agriculture et le comité technique agricole du bassin de l’Indrois rassemblant les coopératives et les négoces du territoire. Dernier appui en date de Loches Sud Touraine : la recherche de soutiens financiers publics pour l’acquisition par la coopérative Guignard à Orbigny d’une trieuse à grains qui enlève les impuretés des nouvelles cultures de millet, sarrasin… pour mieux les valoriser économiquement sur les marchés.