Automne 2022
 – N° 4
Bien vieillir en Sud Touraine
Sujet souvent contourné, voire occulté, le vieillissement concerne pourtant tous les individus, de près ou de loin. C’est aussi un enjeu social majeur, notamment concernant l’adaptation de notre société au vieillissement de sa population. Loches Sud Touraine est le territoire le plus âgé d’Indre-et-Loire. Près d’un quart des habitants a au moins 65 ans. Quel
rôle et quelle place des seniors en Sud Touraine ? De quoi ont-ils besoin pour bien vieillir ? quels sont les enjeux pour les pouvoirs publics locaux ? Pour nous livrer leurs points de vue : Josiane Guidault, retraitée de Saint-Flovier et Audrey Dubreuil, jeune animatrice socio-culturelle du Relais Sépia à Descartes.

Pourriez-vous tout d’abord vous présenter ?

Josiane Guidault : J’ai 70 ans, je suis retraitée depuis 9 ans, j’étais secrétaire de mairie. J’ai une âme sensible au social et en particulier aux personnes âgées qui, lorsqu’elles venaient en mairie, me confiaient leurs préoccupations. Quand on vient s’installer en Sud Touraine, les questions sont : comment me déplacer ? Qu’est-ce qu’il y a comme activités ? Une personne retraitée est toujours à la recherche de contact avec d’autres personnes. Depuis peu, je suis présidente de l’association des personnes âgées de Saint-Flovier. Je siège aussi au conseil d’administration d’AGEVIE ainsi qu’à celui de la maison de retraite de Preuilly-sur-Claise et à la MARPA de Bridoré.

Audrey Dubreuil : Je suis animatrice auprès des personnes âgées depuis 7 ans, et je travaille depuis
3 ans au Relais Sépia à Descartes. J’aime beaucoup mon métier, et Agevie est une association qui
représente mes valeurs, la maison du Sepia est un petit établissement de 21 chambres pour de l’accueil
temporaire. Notre objectif premier, c’est le maintien à domicile. On accueille aussi des gens à la journée. Nous avons une relation privilégiée avec les personnes car elles habitent pour la plupart en Sud Touraine. Nous sommes aussi un relais pour les aidants et nous luttons contre l’isolement de la personne à domicile
qui réside à la campagne ou seule dans un appartement à Tours. Certaines ont l’habitude de venir au Sepia comme si elles venaient en vacances, une fois l’été, une fois l’hiver. D’autres personnes viennent une fois par mois ou passer tout l’hiver avec nous.

Pour vous, quelle serait la définition de «bien vieillir » ?

Josiane Guidault : Pour moi, bien vieillir c’est avant tout être en bonne santé et avoir la liberté de bouger,
de participer à des activités, de donner de son temps aux autres. C’est aussi le partage avec nos familles,
nos petits-enfants, nos voisins. La famille est parfois éloignée et c’est très important d’avoir un tissu de
voisins et d’amis. Car même si l’on n’est pas malade, on a besoin de sécurité. En vieillissant, je trouve que
l’on perd confiance en soi, pour des petites choses : si je vais là-bas, est-ce qu’il y aura des toilettes ? Est-ce que je vais être bien ? Donc c’est vrai qu’il faut être entouré de gens qui nous remettent en confiance. Ce sont des choses simples, un petit « bonjour » ou « vous allez bien ? » … Il faut aussi se plaire dans sa maison, tant que l’on peut y rester, c’est très important. En Sud Touraine, on a beaucoup de chance, par exemple, je fais de la marche avec un groupe et on a un très bel environnement. Ça, ce sont les conditions idéales.

Audrey Dubreuil : C’est vrai qu’au Relais Sépia nous apportons ce côté bienveillance et relations sociales
que les gens recherchent. C’est bien de rester à la maison le plus longtemps possible, mais être entouré,
c’est mieux. Lorsque les familles sont éloignées, ici on leur propose un rendez-vous une fois par semaine.

Josiane Guidault : Je partage votre point de vue et d’ailleurs le maintien à domicile, ce n’est pas seulement l’aide au ménage, à la toilette, au repas, au coucher, il y a autre chose ! On a besoin de lien. J’ai l’exemple de personnes sans mobilité qui vivent leur journée sans visite en dehors de leurs aides. Je ne conçois pas ce type de maintien à domicile, pour moi il manque quelque chose.

Faut-il avoir la volonté de bien vieillir ?

Josiane Guidault : Oui je pense ! Il y a en effet deux façons de vieillir, en bonne santé, on est libre. Mais
quand les personnes sont dans la dépendance, on est dans un tout autre contexte. C’est la maladie qui
rend dépendant : les personnes dont je parle n’ont pas toujours un logement adapté, il y a des marches pour monter chez elles, comment font-elles ? On décide aussi pour soi. Mais la dépendance peut arriver du jour au lendemain ! Et moi par exemple, je ne sais pas si j’y suis préparée !

Audrey Dubreuil : À savoir aussi que la vie ne s’arrête pas forcément avec la dépendance. Il y a des personnes qui arrivent au Relais Sépia parce qu’elles sentent qu’elles perdent leur autonomie.
Et puis après quelques jours, le temps de prendre confiance dans les lieux, dans le personnel, on entend parfois « quand je viens au Sépia, je retrouve une deuxième jeunesse ! »

Josiane Guidault : C’est pour ça que la vie est faite de relations. L’isolement c’est ce qu’il y a de plus terrible. À travers mes activités, je me rends
compte que les gens recherchent la relation. Bien vieillir c’est d’abord maintenir des relations.

Et donc selon vous, est-ce possible de bien vieillir en Sud Touraine?

Josiane Guidault : oui je pense mais c’est vrai que je me demande aussi si dans 10 ans on trouvera des
gens pour s’occuper de nous. Est-ce qu’on trouvera une femme de ménage, quelqu’un pour nous aider pour nos soins quotidiens ? Il faut réussir à attirer des jeunes vers ces métiers. Il faut aussi apprendre à vivre avec les personnes âgées. Nous on vivait avec nos grands parents, maintenant les petits-enfants sont éloignés des grands-parents. Cette relation avec les plus âgés se prépare dès la jeunesse. Nous avons vraiment appris à aimer nos grands-parents en vivant avec eux. Aujourd’hui il faut être connectés aux moyens de communication modernes pour pouvoir garder le contact avec nos proches.

Pour revenir à votre question, on a la chance d’avoir en Sud Touraine des EHPAD et autres résidences à
taille humaine, c’est ce que recherchent les personnes âgées et leurs familles.

Audrey Dubreuil : Plus généralement, les gens attendent peut-être que les EHPAD soient repensés,
on voit naître des projets d’habitats partagés sur le département : les personnes disposent de leur espace
de vie individuel et partagent des temps, des espaces de vie communs et des services avec les habitants.
C’est un système très rassurant. Mais pour bien vieillir, il faut aussi savoir ce qui existe près de chez nous pour lutter contre la solitude.

Josiane Guidault : Oui c’est vrai, il existe de nombreuses associations en Sud Touraine mais il y
a peut-être un manque de communication sur ce qui existe. Par exemple, à Saint-Flovier, il y a un accueil de jour AGEVIE et je pense qu’il n’est pas suffisamment connu.

En quoi la mobilité est-elle un thème important et que manque-t-il en ruralité?

Josiane Guidault : C’est un gros problème la mobilité ! Nous, on fait du covoiturage, mais un jour je ne pourrai plus le faire. À la campagne, la liberté c’est la voiture ! À Saint-Flovier nous avons un transport solidaire organisé par l’association Familles Rurales, il y a deux chauffeurs bénévoles qui peuvent conduire les personnes aux rendez-vous médicaux. C’est sûr que le jour où on ne peut plus conduire, si on veut aller au cinéma ou voir un spectacle, on n’a plus de moyen ! Ça, moi, ça me fait peur.

Audrey Dubreuil : À Descartes il y a un petit bus, mais il reste dans Descartes et ne fonctionne pas le weekend. Au Relais Sépia, pour l’accueil à la journée, on va chercher les gens et on les ramène le soir.

De quelles façons les relations entre générations peuvent-elles aider à bien vieillir ?

Josiane Guidault : Je suis très sensible aux relations entre les générations, depuis que je suis à la retraite, je me rends compte qu’on ne connait plus les gens, on ne connait plus nos jeunes et pour moi c’est un manque car je pense que nous avons besoin de ces relations avec les plus jeunes générations. Parfois, le problème des petits villages c’est que ce sont des communes dortoirs. Le meilleur endroit pour nouer des relations, c’est le milieu associatif. Mais cela peut aussi être avec les écoles.

Audrey Dubreuil : Avant le Covid, un mercredi sur deux, il y avait 10 enfants de l’accueil de loisirs qui
venaient. Certains enfants rataient même le foot pour venir au Sépia. C’est une transmission de savoir, de
savoir-être et de joie tout simplement. Ici les gens recherchent des moments simples, éplucher les
légumes pour faire la soupe du soir, se sentir utiles et entourés.

Josiane Guidault : C’est bien résumé, la vie ce sont des choses simples et le moteur, c’est le lien !

Contact

Lire aussi...